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Françoise Vergès : "La France est un pays profondément raciste et qui ne veut pas le savoir"

  • Pauline Clément
  • 7 déc. 2019
  • 12 min de lecture

Dernière mise à jour : 19 janv. 2020

Retrouvez la version écrite du podcast "le féminisme universaliste en France", à partir des propos de Françoise Vergès, militante féministe décoloniale et politologue, sur le féminisme universaliste. Cet audio a été recueilli avec l'accord de l'auteure lors de la conférence "Décolonisons le féminisme!" organisée le 20 novembre 2019 à l'occasion de la Journée de la conscience noire au Brésil. La conférence avait lieu au CICP à Paris, en présence des auteures féministes brésiliennes Djamila Ribeiro et Joice Berth, avec comme modératrice Gerty Dambury, auteure et metteure en scène, également militante décoloniale et afroféministe originaire de la Guadeloupe.


De gauche à droite : Djamila Ribeiro (en col roulé marron), Françoise Vergès (avec son turban signature), Gerty Dambury (en col roulé noir) et Joice Berth (en chemise blanche), à la fin de la conférence "Décolonisons le féminisme !" le 20 novembre 2019 à Paris / Crédits : Pauline Clément

En fait, il y a chaque jour d'autres poisons. Et on est pas toujours sûr que ce soit du poison qu'on nous met. On est pas sûr, on trouve que c'est pas possible, "peut-être"...

Il y a des forces des politiques de respectabilité qui ont été extrêmement importantes dans les colonies, qui sont toujours importantes aujourd'hui dans les quartiers populaires ou dans ce qu'on appelle les outre-mers. C'est à dire que si on se présente comme étant finalement respectable, si on respecte quelques normes, on va être accepté. Et finalement peut-être qu'on va entrer dans cet endroit qui est si désirable. Et chaque fois, finalement, on en reste à la cuisine ou dans un coin de couloir. Même si on arrive à la table, c'est en bout de table, et de toute façon on ne nous adresse pas la parole pendant tout le dîner. C'est cette manière d'obtenir du consentement par la souffrance psychique. Ce n'est pas seulement la souffrance physique, (qui) fait mal. On n'a pas envie d'être constamment en train de se battre constamment. Et ce féminisme joue là-dessus aussi, d'avoir atteint vraiment "psychiquement" les personnes. Si Fanon et tant d'autres ont insisté énormément sur la question de la décolonisation psychique, de (la) décolonisation de nos mentalités, ou le fameux livre de Ngugi Wa Thiong'o qui s'appelle "Décoloniser les esprits", c'est parce que vraiment, c'est là. Steve Biko disait "l'arme la plus forte dans les mains de l'oppresseur est (l'esprit) de l'opprimé".


De gauche à droite : les écrivains Frantz Fanon (1925-1961), Ngugi Wa Thiong'o,

et le militant de la "Conscience noire" Steve Biko (1946-1977)

(Crédits : Éditions du Seuil, D.R. © / Daniel A. Anderson © pour UCI /

John Burns © pour le New York Times)


Ce féminisme ne veut pas voir ça, ce féminisme universelle. D'une part parce que ça sert ses intérêts, je veux dire ça maintient une position. Ce ne sont pas que des intérêts matériels : il y a énormément d'intérêts matériels, mais il y a aussi un intérêt profondément narcissique. C'est-à-dire de se penser comme les meilleurs du monde, de se penser comme étant les plus civilisés, en fait celles qui ont compris ce que c'était que l'égalité, les plus libérées sexuellement... Pendant que là bas, bon, toutes ces femmes elles ne savent pas ce que c'est qu'être libérées sexuellement, elles sont soumises à leurs maris, leurs frères ou je ne sais quoi. Je pense que cette image qu'elles ont d'elles mêmes, est extrêmement importante pour elle même. Il y a toute une série de films, d'images, de magazines, de séries télé qui renforcent cette image d'elles mêmes, d'être des femmes formidables, courageuses, qui ont réussi ceux-ci, ceux-là, qui ont été les premières à piloter des avions, qui ont été les premières à trouver je ne sais quoi. Il y a un constant renforcement, et qui est en plus diffusé à l'école pour les enfants, qui est diffusé à la télévision... Donc pas simplement la femme colon, mais la femme héroïque, la femme blanche héroïque, qui a franchi ça, qui a été exploratrice, qui a fait ci, qui a fait ça. Le fait (est) que leur entrée dans le monde est rendue possible parce que il y a l'armée coloniale ou l'armée de l'Etat qui tue et qui ouvre les routes. Et qu'ensuite elles peuvent dire le récit que finalement, elles ont eu beaucoup de courage à entrer sur ce chemin; elles oublient que le chemin a été ouvert par des massacres et par la colonisation. Donc c'est toute une construction de ce que sont les femmes européennes, de ce qu'elles ont même montré à travers leurs écrits, qui s'effondrerait. Je ne parle pas, évidemment, de toutes les femmes, on sait bien cela.


Et d'ailleurs, puisque Djamila évoquait la Commune de Paris au début (de la conférence, sur) la gauche brésilienne, alors, la gauche française, c'est absolument la même chose. *rires* Mais alors, nous, ce n'est pas que la gauche française n'évoque pas le "quilombo", c'est qu'elle n'évoque pas qu'au même moment, il y a la plus grande insurrection en Algérie, qui réussit à résister à l'armée coloniale française. Absolument un moment immense : 500.000 personnes attaquent l'armée coloniale française.


Le crâne d'Ataï a été rendu à ses descendants le 28 août 2014 à Paris. (crédits : Cécile Baquey)

Et quand ils ont fini d'écraser la Commune de Paris, on envoie les troupes en Algérie pour écraser l'insurrection; et ils seront déportés où ? En Kanaky, Nouvelle-Calédonie. Donc, il y a aussi cette circulation de répression, de dépossession, que chaque fois la gauche française oublie, et qui faisait partie, au même moment, de ce qui se passait. On arrive en Kanaky, dont on a pris les terres, évidemment, aux kanaks. En 1878, il y a la grande insurrection d'Ataï, dont la tête, on le sait, sera coupée et envoyée au Muséum (national) d'Histoire naturelle. Donc on a toutes ces circulations, qui sont évidemment "on nous doit les terres", avec le soutien de quelques anarchistes, des deux côtés. Donc il y a absolument d'énormes intérêts.





En France, aussi, il y a un intérêt : c'est que, pour les Françaises, elles ont ce côté où elles peuvent débarquer nul part les Françaises de ce féminisme. Elles débarquent partout et elles sont chez elles, notamment dans tous les territoires dits des outre-mers. C'est-à-dire qu'elles n'ont pas besoin de s'inquiéter, de savoir quelle est l'histoire, quelle est la culture, quelle est la langue de ce pays... Qu'est ce qu'il se passe? Pourquoi elles ont le droit d'arriver là sans montrer un passeport? Elles sont chez elles. Et ce côté de "chez elles", dans tant d'endroits, est aussi extrêmement important. Ça donne une extension de soi. Ça donne une image d'une France immense, grande, encore puissante - alors que c'est un petit pays- *rires* et ça continue à soutenir le discours colonial de la grande France, universelle, à laquelle on appartient même quand on est de gauche. Et à laquelle peut, donc, toujours dire "Mais vous n'avez pas compris, mais on va vous apprendre : on va vous apprendre que c'est le féminisme, on va apprendre ce que c'est que les droits des femmes. Vous ne le savez pas."


Et puis, c'est dissimuler l'histoire même du féminisme français, qui est un féminisme où il y a eu des féministes très courageuses, mais parlons de ce féminisme universaliste, qui a quand même énormément oublié les femmes. Et quand on parle de l'importance de redonner les noms, on ne cite jamais le nom d'une femme noire, asiatique, maghrébine, dans l'histoire du féminisme français. Vous en connaissez une ? Il n'y en a pas, y'en a pas. Les seules qui (y) sont (ce sont) des Blanches. Et puis après, il y a eu des groupes de femmes, mais les penseuses sont les féministes blanches françaises. Cette politique de la citation, cette politique de la référence est extrêmement importante aussi dans la construction : qui doit être citée, qui est le penseur, qui est la penseuse et qui ne l'est pas, qui reste la "native informant" et qui est la théoricienne. Et la théoricienne ça va être Simone de Beauvoir, et ça sera jamais Gerty Archimède, par exemple. Cette femme guadeloupéenne, qui a été aussi une amie d'Angela Davis, qui était la première avocate noire en Guadeloupe, une des premières députées noires à l'Assemblée nationale; une communiste anticolonialiste. Jamais on ne saura ce qu'elle a écrit. On pourrait penser à d'autres femmes kanaks, les femmes du Pacifique, des territoires du Pacifique : on ne sait rien. Et donc c'est à nous, aussi, de briser ça. Et ces féministes continuent à cela pour qu'effectivement, cette idée que la France serait le terrain même, le pays même, naturellement, des droits des femmes. Ça leur permet de continuer à penser une certaine masculinité : on s'est construit ce qu'était la bonne masculinité et ce qu'était la mauvaise masculinité. On le voit aujourd'hui avec les jeunes Noirs, les jeunes Arabes qui se font tuer, violentés par la police française, en totale impunité. La liste est longue. Ca c'est une chose.


De gauche à droite : la théoricienne féministe Simone de Beauvoir (1908-1986), l'avocate guadeloupéenne Gerty Archimède (1909-1980) et la militante antiraciste américaine Angela Davis.

(Crédits : Hulton-Deutsch Collection - Getty / Base de données des députés français depuis 1789 de l'Assemblée Nationale /agence de presse ©AP)


Et puis d'autre part, c'est eux toujours : c'est eux, quand même, les criminels en puissance, les violeurs en puissance. Il y a un féminisme carcéral, punitif, en France extrêmement important, qui s'appuie sur des choses absolument terribles (les violences contre les femmes, les crimes contre les femmes) pour quand même renforcer le féminisme carcéral. Avec (le fait de) renforcer le recours à la police, au tribunal, et à l'Etat, pour lutter contre cette violence. Et non pas de s'attaquer aux racines de cette violence, de ce qui fait qu'il y a cette violence. Donc on va multiplier les lois dont on sait qui vont être les premiers punis, on sait qui on va arrêter, qui on va envoyer en prison. Donc, chaque fois, toutes les structures qui sont autour ne sont pas analysées. Et donc les femmes, on va protéger les femmes. Et pour protéger ces femmes on fait appel à l'Etat, à la police, au tribunal; trois institutions structurellement racistes, et sexistes, et homophobes, et transphobes... Donc on ne peut pas s'en sortir de cela.


On voit donc cette extrêmement importante masculinité qui, effectivement, pour le féminisme que je défends, (la priorité) ce n'est pas du tout la question de l'égalité de genre. Certainement pas. Mais c'est effectivement de déconstruire la manière dont la masculinité a été construite, et ce que c'est qu'un "homme bien", ce que c'est qu'un "homme comme il faut". Et donc, à l'intérieur de ça, notamment l'homme hétérosexuel, hétéronormé, blanc, chrétien. Mais à l'intérieur même des hommes blancs, il y a aussi, malgré tout, des masculinités qui ne conviennent pas. Donc, il faut absolument entrer dans ce travail, déconstruire profondément tout cela. Il faut aussi, je pense, dans ces questions par rapport à ces féministes, faire l'effort chaque fois, de notre part, de citer pratiquement systématiquement des femmes et des hommes du Sud Global. De faire cet effort constamment, donc de s'auto-éduquer, pour essayer, dans un texte. Moi, je fais cet exercice le plus souvent possible : si j'en ai cité (une), je reprends en disant "Mais non, je vais en trouver une qui n'est pas européenne"; par principe. Pour que ça rentre, ça naturalise. Parce que sinon, c'est quand même très spontané qu'on cite les mêmes personnes : c'est là, c'est tout le temps, c'est ce qu'on a appris à l'école, c'est ce qu'on entend tout le temps à la télévision.


Ensuite, c'est quand même particulièrement violent en France - ce n'est pas la même violence, évidemment, qu'au Brésil - mais c'est particulièrement violent. La France est un pays profondément colonial, profondément raciste et qui ne veut pas le savoir. Et on a affaire encore aujourd'hui en 2019, à (ce) solitude refus et (cette) résistance. Même si ça s'écorne, même si c'est écorné, quand on voit ce qui se dit à la télévision, quand on voit ce qui s'écrit, on n'en revient pas. Quand on voit les attaques sur ceux qu'ils appellent les coloniaux, les pétitions qui se répètent... Et qu'on voit qu'en même temps, des institutions culturelles aujourd'hui font du "décolonial", c'est-à-dire qu'il y a une forme de diversité néolibérale - que soutient ce féminisme- ou un néolibéralisme de la diversité, je ne sais pas comment l'appeler. Mais enfin, il y a toujours cette politique d'intégration à la française : on va en prendre quelques-uns, on va les mettre...  Comme ça, on va pouvoir repousser les autres et séparer, dire "ceux-là sont bien, ils sont propres, ils parlent bien, ils parlent tellement bien le français c'est formidable." *rires* "Elles parlent français sans faute, c'est absolument renversant." D'accord ? Et puis, il y a les autres. Et ça, (ce sont) ceux qui sont en train de se refaire, de se faire en France sous nos yeux. C'est-à-dire qu'il y a une capacité, en France, d'absorption des choses, qui va aussi avec le néoliberalisme. C'est-à-dire qu'on a à peine dit un mot qu'il est déjà attrapé et transformé en marchandise. On a à peine fait quelque chose (qu'il) y déjà une exposition là-dessus, un colloque là-dessus. On a à peine parlé... Donc, pour reparler sur cette question de la parole, qui est si importante dans ce qu'on dit, c'est comment on va faire que nos paroles ne soient pas constamment colonisées. "Colonisées" au sens de on se les approprie quoi, comme on approprie une terre, comme on approprie les richesses. Il y a absolument un processus de colonisation en marche ! Je veux dire, bientôt on va voir des tee-shirts "Je suis une féministe décoloniale" *rires* dans les boutiques du Marais. On aura affaire à ça. Donc, il faut le savoir - ça (ne) veut pas dire qu'il faut arrêter l'être, *rires* mais il faut savoir qu'on a affaire à ça. Et en France, c'est par un gouvernement qui aujourd'hui à la fois, réprime de manière extrêmement brutale, et absorbe, au même moment.



Exemples de t-shirts à l'effigie du féminisme décolonial

(source : AF3IRM Hawai'i Online Shop sur teespring.com /

RADGEGEAR2K92 sur redbubble.com)


Et donc, c'est cette illusion de croire qu'on va quand même pouvoir encore dire quelque chose, et en fait de se dire que non, et de s'imaginer là (ce sont) ces stratégies un peu, ces pédagogies peut-être, de se dire : "Mais si on pensait : "on ne va plus ouvrir la porte un tout petit peu pour qu'on y mettre le pied". Si on se dit : "C'est fini, la porte est fermée", c'est cette stratégie qu'il faut développer. C'est tourner le dos à toutes ces séductions. On doit vivre, donc il faut aller au boulot, il faut faire tout ça... Mais, ce que je veux dire, c'est dans nos têtes : on tourne le dos à toutes ces séductions. C'est là que va se situer vraiment la décolonisation, se situer la possibilité de sortir de cette espèce de "purée", comme ça, dans laquelle on est attrapé.


On a bien vu (que) la France, c'est quand même un des pays qui a eu le plus de guerres coloniales parce qu'elle ne voulait pas... Cet État ne voulait pas les indépendances. L'Etat français a massacré au Cameroun, a massacré en Algérie, a massacré dans le Vietnam, Laos, Cambodge - ce qu'on appelait l'Indochine - a massacré en Guadeloupe, a massacré en Guyane, a massacré en Kanaky Nouvelle-Calédonie, a massacré à la Réunion. À Mayotte, tous les jours, des gens se noient dans les lagons. Qu'est-ce qu'on fait ? On renforce la protection de l'île. C'est cet Etat là que nous avons en face de nous. C'est pas du tout l'État qui nous laisse une place. Et cet État est très soutenu par ce féminisme universaliste. Parce que ce féminisme universaliste représente, à ses yeux, la carte de la modernité pour lui. Parce qu'il est le défenseur des droits des femmes, cet État, il le dit. Le président actuel le dit : il est pour l'égalité des femmes, il a mis un ministère, il y a des tas de commissions qui se font... Et ça, c'est sa carte, une de ses cartes maîtresses. Face, en plus, à toutes les espèces de brutes qui sont à la tête de plein de pays en ce moment. Donc, ce président, il apparait quand même... Il finit ses phrases, je ne sais pas moi il finit ses phrases *rires*, il a épousé une femme plus âgée. Donc il présente bien comme on dit. *rires*  Et on pourrait oublier quelle est sa politique, parce qu'il y en a d'autres ça se voit tout de suite : on les voit à la télévision on comprend, *rires* il n'y a pas besoin d'avoir une traduction. Et il faut absolument qu'on comprenne les formes des patriarcats qui se mettent en place en ce moment, qu'il le patriarcat violent, l'espèce de brute, là, qui par le mal, qui est vulgaire, qui finit pas ses phrases là-bas. *rires* Et il y a celui-là, on pourrait dire "soft" si on veut, mais aussi dangereux. Et qui, effectivement, a le soutien de ce féminisme universaliste, a réussi. Et donc, on pourrait dire, beaucoup plus positionnés dans l'avenir que les autres;  qui apparaissent comme tellement des brutes etc. que tout le monde se dit : "Mais c'est pas possible, ça va se terminer, il y aura un mouvement, on les chassera, quelque chose changera." Mais celui là, il peut rester plus longtemps. Il a plus de pouvoir, de possibilités de rester plus longtemps parce qu'il utilise les droits des femmes, parce qu'il utilise ce féminisme carcéral, punitif et universaliste.


De gauche à droite : Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, l'épouse du Président Brigitte Macron, et le président Emmanuel Macron, lors des obsèques de Jean-Claude Boulard, ancien maire du Mans, le lundi 04 juin 2018 (crédits : Jean-François Monier/AFP)

Et pour moi, les lieux où se situent les féministes, les luttes de femmes, c'est ce qu'on appelle "les quartiers populaires" aujourd'hui. C'est tout ce qui se fait aujourd'hui en France, partout, tout le temps et surtout, surtout, de constamment revenir sur cette histoire coloniale. On doit la comprendre. Elle est une source de très grande source de savoirs : pas seulement sur la répression, mais sur les résistances, sur les formes de résistance. On n'a pas encore commencé vraiment à savoir. Et puis, ce qu'on appelle "les outres-mers" : la pauvreté est plus grande que dans le plus pauvre des départements en France. Tout ce qu'il y a : le chômage est beaucoup plus important que dans n'importe quel quartier populaire en France. Ça se rattrape, ça se rattrape, et ce qu'on voit apparaître, c'est, on pourrait dire, des outre-mers au sens politique du terme et culturel du terme en France, maintenant. Ce qui a été expérimenté là-bas est en train de s'expérimenter ici. Et qu'on voit, comme on voit dans les outre-mers, les formes d'organisation géographique en enclave : avec, là, des endroits biens, où l'on peut promener les enfants, il y a des oiseaux, c'est propre, l'air est propre, l'eau est propre... Et les endroits où il n'y a pas d'oiseaux, il n'y a pas d'espaces verts, il n'y a rien pour les enfants, et l'air est pollué, et l'eau est sale. Cette idéologie hygiéniste coloniale est en train de se reproduire, et donc va frapper particulièrement les femmes, parce qu'en même temps c'est elle qui sont chargées de nettoyer toujours le monde. Les femmes noires sont celles qui sont chargées de nettoyer ce monde français, qui ensuite les renvoie dans des quartiers qui, eux, sont complètement abandonnés, aussi qu'ils ne sont pas, donc, nettoyés par l'État. Donc, on voit vaguement se définir vraiment une politique coloniale, mais néolibérale aujourd'hui, avec toute une série de de masques différents, bien sûr. Et où ce féminisme universaliste civilisateur joue un très grand rôle, un très, très grand rôle.


Carte des territoires d'outre-mer (source : sénat-fr.tumblr.com)

 
 
 

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Enquête sur l'afroféminisme en France par Pauline Clément. ©2019

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